Le défi gigantesque de la sobriété énergétique

La consommation d’électricité baisse en France. Selon les derniers chiffres parus par RTE, celle-ci atteint 8.3% par rapport aux années précédentes, avec correction des températures. Ce chiffre peut paraître très encourageant mais il est également trompeur :

1. 12 millions de personnes vivent dans la précarité énergétique et donc économisent l’énergie non par choix mais par obligation : elles ne peuvent pas se chauffer décemment. L’explosion récente des coûts de l’electricité – 28% entre 2021 et 2022 selon la Fondation Abbé Pierre – fait que encore plus de gens ne pourront se chauffer cet hiver.

Il reste encore en France cinq millions de passoires thermiques (logements de catégories F et G) et presque autant de logements de catégorie E. C’est un énorme problème que nos gouvernements successifs refusent de prendre à bras le corps. Ayant publié mon mémoire de Master sur ce sujet, je suis horrifié que personne ne se soit vraiment emparé du problème en plus de 15 ans.

Les solutions existent et pourraient permettrent de créer des dizaines de miliers d’emplois pérennes tant dans l’industrie que dans l’artisanat ou même l’agriculture (matériaux biosourcés qui agissent comme des puits de carbone).

2. Une partie de notre industrie – que ce soit des grands groupes industriels mais aussi des petites entreprises comme nos boulangers – ont simplement décidé de faire des économies en fermant certains centres de production ou certains jours. D’autres ont mis la clé sous la porte.

La France n’ayant pas assez installé d’electricité renouvelables ces 15 dernières années, elle se retrouve fort dépourvue alors que ces centrales nucléaires vieillissent et ont besoin de maintenance et de réparation. Pour rappel, notre beau pays a été condamné par l’Union Européenne pour ne pas avoir respecté ses engagements sur le solaire et l’éolien.

3. De très nombreux villes et villages ont commencé une chasse au gaspi sans précédent dans leurs bâtiments mais aussi sur leur éclairage public. Enfin nos collectivités prennent au sérieux leurs consommations d’énergie. Les objectifs de 10% d’économies en deux ans du Plan de sobriété énergétique pourraient bien être pulvérisés tant l’ardeur de certaines communes fait plaisir à voir. Il était temps…

L’ébriété énergétique… Nous étions saouls à l’énergie pas chère.

Depuis que je travaille dans la maîtrise de l’énergie, dans le secteur de la Santé en 2021, puis de nos jours au Sydela (pardon au Territoire d’énergie Loire-Atlantique), je vois, j’entends parler et je lis de nombreux cas de gaspillage énergétique effarants toutes les semaines. Chaque professionnel du milieu y va de sa petite histoire, de l’énorme abberation qui’l ou elle a vu : des locaux vides encore chauffés deux ans après en passant par les installations de solaire thermique qui ne fonctionnent pas, c’est un florilège. Du gaspillage pur et simple. De l’ébriété énergétique. De l’argent jeté par les fenêtres. Ces cas concernent aussi bien les collectivités locales que les organismes privés.

Combien de centrales à gaz et à charbon tournent inutilement chez nous en France, mais aussi chez nos voisins Européens ? Chez nous, l’ADEME parle de 7 à 13% de gaspillage énergétique. Ca m’avait inspiré l’an dernier un article de blog (en anglais).

Il est grand temps de mettre un terme à tout ce gachis. Quand je vois l’ébriété énergétique de la société dans laquelle on vit, j’ai l’impression de vider le tonneau des Danaïdes. A quoi bon #couperlavanne si pendant ce temps on continue de faire n’importe quoi avec des écrans de télé partout dans les vitrines et nos rues, à chauffer à 23°C des bureaux, à laisser tourner les chauffages dans les écoles pendant les vacances d’hiver, à faire tourner des canons à neige dans les stations de ski où il ne neige plus…

“Engagez-vous, rengagez-vous qu’ils disaient…”

A l’heure de l’extrême urgence climatique, à l’heure de l’invasion russe en Ukraine – financée il faut le rappeler par nos importations de pétrole et de gaz – à l’heure des urgences qui se multiplient et s’entremêlent… Que fait-on ? Doit-on embaucher une équipe de Conseillers en Energie Partagé et d’Economes de Flux dans chaque territoire ? Et cepour chaque secteur (collectivités, mais aussi Santé, Enseignement, TPE/PME…) ? Ce à quoi il ne faudrait rajouter des équipes spécialisées dans les énergies renouvelables, tant thermiques qu’électriques…

Notre transition énergétique collective accuse 15 à 20 ans de retard et nous avons de quoi nous occuper pour les 20 à 30 ans à venir. Je suis fier de faire partie des hommes et des femmes qui travaillent sans relâche à la maitrîse de l’énergie. C’est passionnant, c’est enrichissant…

Mais cela ne suffira pas : nous avons besoin de revoir nos sociétés, nos vies… C’est d’une vision systémique dont nous avons besoin. On ne pourra pas lutter de façon sérieuse contre le changement climatique sans investir massivement dans la sobriété et l’efficacité énergétique. Vouloir éclairer les rues la nuit comme si nous étions en plein jour, c’est fini. Chauffer les appartements à 23°C au coeur de l’hiver, c’est du passé. Chacun de nos choix, chacune de nos actions à des conséquences.

Nous commençons déjà à payer nos 30 ou 50 ans d’inaction climatique. La sobrité nous réapprend ce que nos grand-parents et arrières-grand-parents savaient et pratiquaient : consommer juste ce qu’il faut d’énergie, ni plus, ni moins.

Image by Free-Photos from Pixabay

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