Commentaire du livre Le plein s’il vous plait

lepleinsilvousplait1.jpgComme je l’avais promis à certains de mes amis, voici le commentaire du livre qui selon moi doit être lu par toute personne qui s’intéresse au changement climatique et/ou à la future crise pétrolière.

Cet ouvrage, intitulé “Le plein s’il vous plaît” fut écrit par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean et fut publié en février 2006 aux Editions du Seuil.

En moins de 200 pages, cet ouvrage donne les bases sur ces deux sujets, ce qui n’est pas rien. Mais il donne aussi et surtout une solution intelligente et pragmatique aux deux problèmes majeurs de notre temps.

Après une introduction fort intéressante qui résume la situation sur les deux fronts qui nous intéresse ici, arrive une première conclusion qui choquera bon nombre de lecteurs. Nous sommes littéralement drogués à l’énergie. Cette même énergie dont le prix est infiniment sous-évalué par rapport à tous les services qu’elle nous rend quotidiennement.

En effet, le prix de l’énergie tirée d’un simple litre de pétrole est mille fois moins cher que celle tirée d’une personne occidentale payée au salaire minimum. Cette énergie à si bas prix nous a permis ces dernières décennies de nous payer des voitures toujours plus puissantes, des logements toujours plus grands, des voyages toujours plus lointains.

Ceci nous a aussi permis de vivre dans une opulence jamais vue auparavant dans l’Histoire, dans des conditions sanitaires et avec une espérance de vie inimaginable il y a juste un siècle.

Or, le pétrole, la principale source d’énergie au niveau mondial, arrivera bientôt au point ou il coutera de plus en plus cher, ce sera le fameux pic pétrolier ( ou peak oil, pour les anglophones ). Puis viendra le pic de production gazier, puis plus tard celui du charbon.

Car, l’une des règles de bases de l’Economie, c’est la loi de l’offre et de la demande. Quand la demande continue d’augmenter ( comme elle l’a toujours fait pour le pétrole depuis près de deux siècles ) et qu’en même temps l’offre diminue, les prix augmentent rapidement. Selon les auteurs – et diverses autres sources telles que BP – ce moment devrait arriver d’ici dix ou quinze ans.

Une seule solution : taxer progressivement les énergies incriminées.

Pour résoudre ce problème et pour s’affranchir du futur changement climatique, qui si rien n’était fait pourrait mettre en danger nos modes de vies actuels, les auteurs proposent de taxer progressivement les énergies fossiles ( pétrole, charbon et gaz ).

Une augmentation chaque année de six à huit pour cent en termes réels chaque année des prix des énergies fossiles permettraient selon eux de nous en passer petit à petit.

Ces taxes concerneraient tout le monde, particuliers comme entreprises, pauvres comme riches. Selon les auteurs, cela permettrait d’inciter nos sociétés à diminuer assez rapidement mais surtout définitivement nos émissions de gaz à effet de serre tout en baissant notre dépendance vis à vis des énergies fossiles que nous importons en très large majorité.

Les bénéfices de ces taxes permettraient d’aider les plus pauvres à se préparer à la société de l’énergie chère en favorisant l’isolation des logements et autres investissements vertueux. Ces taxes permettraient aussi la recherche de moyens plus performants du point énergétique… tout en préparant activement la société de demain.

Avec cette solution, la France (et in extenso tout pays qui prendrait le chemin de taxer progressivement les énergies fossiles) atteindrait à terme une société future moins dépendante de ces énergies (et donc moins frappée par les futurs chocs pétroliers et gaziers ) mais aussi beaucoup plus vertueuse d’un point de vue écologique.

Cette taxe sur l’énergie aurait pour bénéfice de protéger les plus pauvres du fait qu’ils seraient incités bien avant le moment fatidique à se détourner de la consommation actuelle massive de pétrole et gaz naturel. Car même une personne « modeste » consomme d’un point de vue climatique trop de pétrole et rejette bien trop de gaz à effet de serre.

Toute les autres solution, comme par exemple les droits d’émissions, ont plus de défauts que d’avantages. Selon les auteurs, seule la taxe nous permettrait d’aller vite et fort dans le sens d’une diminution pérenne et à grande ampleur de nos consommations de pétrole, de gaz et de charbon.

Pour Jancovici et Legrand, le réchauffement global comme la future crise pétrolière ont de grands potentiels destructeurs, que ce soit au niveau économique ou démocratique. Ils soutiennent que de tels évènements pourraient mettre en danger nos modes de vies et même la pérennité de nos sociétés démocratiques.

La crise de 1929 ayant participé à la préparation de la seconde Guerre Mondiale, il est probable selon Jancovici et Legrand qu’une crise énergétique et/ou climatique pousse la population mondiale vers la famine et vers la guerre.

En augmentant très légèrement les prix années après années, les ménages comme les entreprises seraient amenées à diminuer de façon régulière leur consommation en choisissant petit à petit des solutions plus écologiquement raisonnables et nécessitant de moins en moins de pétrole et de gaz.

Les entreprises perdraient certes au départ un peu de compétitivité. Mais si elles jouaient le jeu de diminuer leurs consommations d’énergies fossiles, elles ne souffriraient que peu de ces taxes additionnelles. Et surtout, elles auraient le moment venu un avantage énorme sur leurs concurrents qui n’auraient pas diminué leur consommation de ces énergies.

Les peuples seraient donc moins touchés plus tard par l’explosion des prix du pétrole et du gaz qui arriveraient à doubler voire tripler les prix en une année et ceci pour de bon.

Car toute l’opulence actuelle risque fort malheureusement de finir de façon abrupte si rien n’était fait pour changer radicalement de mode de vie dans un laps de temps assez court.

L’Humanité doit ainsi diviser par un minimum de deux les émissions globales de gaz à effet de serre d’ici 2050 si elle veut éviter une crise climatique plus que dangereuse mais aussi la crise de l’énergie qui se rapproche inexorablement.

Les solutions possibles : de nombreuses idées reçues balayées.

Selon les auteurs, les énergies renouvelables seules ne peuvent pas représenter la solution ultime à tous nos problèmes. En effet, augmenter le nombre de chauffe-eau solaires, d’éoliennes et autres systèmes de géothermie sans diminuer la consommation totale d’énergie ne servirait à rien, que ce soit pour la crise énergétique ou la climatique.

De même qu’augmenter massivement le nombre de réacteurs nucléaires sans travailler sur l’efficacité énergétique n’aurait aucun sens.

Dans le même ordre d’idée, l’hydrogène n’est pas une solution du fait qu’il faudrait la produire, la production demandant elle aussi de grandes quantités d’énergie.

Un monde fini avec une consommation d’énergie, de matières premières ou autre qui croit de façon exponentielle comme c’est le cas aujourd’hui arrivera tôt ou tard – et même plutôt tôt que tard – à une fin.

La question est de savoir si on veut être proactifs et ainsi minimiser les conséquences ou si on continue comme si de rien était en attendant le moment fatidique.

La technologie nous sauvera-t’elle ?

Certains d’entre vous pourraient penser que la technologie nous sauvera de tous ces impairs. Ce n’est malheureusement pas le cas comme l’explique si bien les auteurs. En effet, depuis les années 1950, les voitures, avions, réfrigérateurs et autres produits électroménagers n’ont jamais aussi été économes en énergie.

Cependant, le nombre d’unités vendues à lui aussi explosé, faisant pour l’occasion voler en éclats les gains dus à l’efficacité énergétique accrue.

L’idée de la taxe est d’accompagner le changement de société et de le faire de façon douce maintenant, plutôt que de le subir plus tard ( d’ici une quinzaine d’années si l’on parle de pétrole, peut-être moins ) et ceci de façon massive.

Car un choc pétrolier, comme ceux de 1974 et 79 ont fait doubler voire tripler les prix du pétrole en un an. Ces prix avaient baissé à l’époque. Mais rien ne permet de croire les prix baisseront lors du pic de production, notamment à cause de la loi de l’offre et de la demande.

Les pics pétroliers des années 1970 avaient fait augmenter le chômage et la pauvreté dans les pays touchés quelques années après. Comme la crise future sera plus massive que les précédentes, il est certain selon les auteurs que si rien n’était fait nous allons au devant de très gros problèmes.

Pour conclure sur ce brillant ouvrage, je dois dire que je le lisais pour la deuxième fois avec le meme intérêt que lors de ma première lecture l’année dernière.

Les auteurs proposent un travail très bien documenté avec quantité de chiffres et preuves. La solution qu’ils proposent est réaliste et surtout réalisable si une réelle volonté politique et sociale émergeait assez rapidement.

Si à la lecture de cet article vous aviez des questions ou des doutes, je vous recommande de lire ce livre. Après l’avoir lu, je suis persuadé que les auteurs sont dans le vrai.

Vous l’aurez compris, “Le plein s’il vous plaît” est bien le livre qu’il faut lire quand on s’intéresse un tant soit peu à l’avenir de l’Humanité et à la résolution des deux problèmes majeurs que le futur proche nous réserve, à savoir le changement climatique et la crise énergétique.

Vous le trouverez chez votre libraire pour 6 € dans la version poche et 17 € dans la version brochée.

A noter pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur le réchauffement climatique que l’un des auteurs, Jean-Marc Jancovici, a écrit deux autres livres : “L’Effet de serre : Allons-nous changer le climat ?” co-écrit avec Hervé Le Treut et “L’Avenir climatique : Quel temps ferons-nous ? “.

J’ai lu ces deux ouvrages et je vous les recommande chaudement, tout comme le site www.manicore.com qui est tenu par Jancovici lui-même et qui propose quantité d’articles tous plus intéressants que les autres.

(Edité le 2 juillet pour corrections mineures)

2 thoughts on “Commentaire du livre Le plein s’il vous plait”

  1. Salut,

    je suis tombé un peu par hasard sur ton blog et cet article en particulier.

    J’ai quand même du mal à penser qu’augmenter les taxes suffisent à nous sauver de la crise pétrolière qui approche, et que cela touchera autant les riches que les pauvres.

    Si on prend l’exemple de l’essence : j’habite à 20 bornes de mon boulot et j’ai des horaires qui m’empechent de prendre les transport en commun (très pauvre d’ailleurs dans certaines communes et en particulier dans des villes inférieures à 100000 habitants). Du coup augmente moi le prix de l’essence et tout ce que ca changera c’est que ca baissera mon pouvoir d’achat à la fin du mois. Je suis obligé de nourir ma bagnole pour pouvoir bosser.

    Bien sur c’est dû à mon confort personnel. Je pourrais très bien déménager en ville, ne faire que 10 mètres chaque matin pour bosser, mais ca coute cher les logements(/mode radin on) et si on grossit le trait pourquoi ne pas éradiquer tous les villages de France pour tous vivre dans des grandes villes, avec métro et bus écolo. Ce qui me gène beaucoup avec la taxe, c’est combien va revenir aux collectivités locales pour améliorer les routes, transports en commun. C’est peut être mon coté gros pessismiste, qui pense qu’on pique notre pognon pour engraisser les plus riches.

    Tout comme je ne crois pas au

    “Les entreprises perdraient certes au départ un peu de compétitivité.

    et croirent qu’elles vont y adhérer facilement sans casse sociale. J’y crois pas mais j’espère fortement me tromper. Si j’ai le temps je lirais quand même ce livre. J’ai beau pas être un écolo convaincu, je m’interresse comme tout le monde à ce qu’on fait à cette pauvre Terre. Et je suis d’accord que si on rate le virage de l’après pétrole, on finira dans un joli mur.

    ZeP

  2. Hello,

    merci pour ton commentaire, la remarque que tu fais est très intéressante. Je pense que les taxes sur le pétrole et le gaz nous pousserait tous à être plus vertueux ( arrêter d’acheter des très grosses voitures, acheter le pain en allant à pied… ) et forcera aussi les constructeurs à produire des voitures moins gourmandes et moins grosses.

    On réduirait donc des deux cotés la demande en pétrole, par les consommateurs et par les entreprises. A noter que comme ton cas le montre, on ne pourra jamais se passer totalement de voitures, mais on pourrait consommer ( et on devra ) consommer moins de pétrole.

    A savoir que comme le disent les auteurs, il vaut mieux s’accoutumer progressivement et maintenant à l’énergie chère que de leur faire subir de plein fouet dans une dizaine d’années une crise massive qui sera forcément destructrice d’emplois ( et peut-être bien plus )

    Car bien au delà de la ” simple ” crise pétrolière, la crise climatique est lourde d’immenses menaces à grande échelle et pourrait faire énormément de dégats. Les auteurs disent donc qu’entre un peu de dégats socio-économiques maintenant qui débouchera sur une adaptation pas trop dure ou avoir plus tard une énorme crise avec des chances quasi-nulles d’adaptation, le choix est vite fait

    Sinon, le livre est assez court et il se lit en une après-midi. Fait important, on ne voit pas le temps passer en le lisant du fait qu’il est très intéressant, facile à lire et a quelques notes d’humour bienvenues.

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